OI² - Un volcan sous haute surveillance

III - Interprétation - Comment décrypter un interférogramme ?

   Dans un interférogramme, les déphasages résultant de déplacements du sol s'organisent généralement en franges d'interférence plus ou moins concentriques. Chaque frange correspond à un cycle de phase complet, c'est-à-dire une variation de phase de 0 à 2π. En terme de déplacement, chaque frange correspond à une variation de distance Terre - satellite de λ/2 cm où λ est la longueur d'onde radar (3.1 cm pour TerraSAR-X ou COSMO-SkyMed, 5.6 cm pour ASAR ou RADARSAT, 23.6 cm pour PALSAR).

   Pour représenter les interférogrammes sous forme d'image, on est amené à coder les valeurs de phase sur un ou plusieurs octets (le codage sur un octet, souvent utilisé, permet, en théorie, une précision de π/128 ou, en terme de déplacement, de λ/512). On est aussi amené à associer une couleur différente à chaque compte numérique de l'image ainsi codée. Les interférogrammes montrés sur ce site ou dans la base de données CASOAR sont représentés en utilisant la table de couleurs « Wave15 » (encore appelée « STERN SPECIAL »). Dans cette table de couleurs, les faibles valeurs de phases (proches de 0) sont représentées par les couleurs rouges, les valeurs de phase intermédiaires (autour de π) sont représentées en bleu et les fortes valeurs de phase (autour de 2π) sont représentées en jaune.

   Cet interférogramme, obtenu en combinant deux images ASAR acquises sur le Piton de la Fournaise le 27 juillet et le 31 août 2003, a enregistré les déplacements produits par l'injection d'un dyke dans le Cône Central du Piton de la Fournaise. En arrivant près de la surface le dyke a provoqué l'ouverture d'une série de fissures éruptives qui s'échelonnent le long d'une trace virtuelle reportée en vert sur l'interférogramme. Le motif de déplacement est clairement asymétrique de part et d'autre de cette trace, avec un lobe de forts déplacements (nombreuses franges), en forme de poire, affectant la moitié est du Cône Central et un lobe indiquant des déplacements moins étendus et moins forts (peu de franges) affectant la moitié ouest.

   On compte environ 11.3 franges entre la périphérie et le centre du lobe est (entre les deux flèches blanches). On note aussi que, pour chaque frange, on passe successivement de la couleur bleue à la couleur rouge puis à la couleur jaune (lorsque l'on se rapproche du centre du lobe). Cela signifie que, pour chaque frange, la phase diminue de la périphérie vers le centre du lobe, ou encore que la distance Terre - satellite diminue de la périphérie vers le centre du lobe. On peut donc conclure que le centre du lobe s'est rapproché du satellite, entre le 27 juillet et le 31 août, d'environ 32 cm (11.3 x 2.8 cm) par rapport à la périphérie du lobe. De même, on compte environ 1.3 franges entre la périphérie et le centre du lobe ouest (entre les deux flèches noires). Cette fois, pour chaque frange, on passe successivement de la couleur jaune à la couleur rouge puis à la couleur bleue (lorsque l'on se rapproche du centre du lobe). Cela signifie donc que, pour chaque frange, la phase augmente de la périphérie vers le centre, ou encore que la distance Terre - satellite augmente de la périphérie vers le centre. On peut donc conclure que le centre du lobe s'est éloigné du satellite, entre le 27 juillet et le 31 août, d'environ 3.6 cm (1.3 x 2.8 cm) par rapport à la périphérie du lobe.

   Il est important de noter qu'ici les déplacements estimés sont des déplacements dans l'axe de visée du satellite (ou LOS pour Line Of Sight). Les composantes Est-Ouest et verticale des déplacements pourraient éventuellement être retrouvées à partir de plusieurs interférogrammes correspondant à des géométries d'acquisition différentes (voir la rubrique « De la donnée interférométrique à l'estimation des déplacements »).